La question à 84 $

C’est une bagatelle, en réalité. C’est un détail, même moins que ça. C’est une toute petite affaire de 83,50 $.

De quoi s’agit-il ? Une apparence de trop versé aux conseillers Yannick Lebrasseur (district 3) et Jean Simard (district 2) en allocation de dépenses pour l’exercice financier 2021. La loi précise que l’allocation de dépenses pour un conseiller municipal équivaut à la moitié de la rémunération. Comme leur rémunération était de 19 279$, l’allocation de dépenses devait être au maximum de 9 639,50 $ mais le rapport financier indique qu’ils ont reçu 9 723 $. Un écart de 83,50 $, selon les informations contenues dans le rapport financier de la ville de St-Augustin-de-Desmaures.

On s’entend : le montant n’est pas un enjeu, il est dérisoire et ne mériterait pas qu’on y passe trop de temps. Sauf que le maire Sylvain Juneau dit lui-même accorder beaucoup d’importance au respect des règles, et que ses explications soulèvent des interrogations.

Respect des règles

En effet, pendant la cabale électorale, le 21 octobre 2021, le maire a vanté sur sa page Facebook les qualités de ses candidats «indépendants», disant qu’ils ont un souci évident du respect des règles et lois, aspect non négociable pour que je leur accorde ma confiance. Source. Il fixe donc lui-même la hauteur de la barre.

On s’imagine que messieurs Lebrasseur et Simard partagent cette valeur.

Le montant n’est pas un enjeu, il est dérisoire et il ne mériterait pas qu’on y passe trop de temps sauf …

Sauf que le maire Sylvain Juneau dit lui-même accorder beaucoup d’importance au respect des règles.

Des explications qui soulèvent des interrogations

Questionné lors de la séance du 7 juin 2021 par le citoyen Marcel Rodrigue, le maire a expliqué qu’il n’y a pas eu de trop payé et que le montant qui semble être en trop résulte de la démarcation comptable de fin d’année, qui ne correspond pas à la fin d’une période de rémunération, un caprice du calendrier qui, on peut le comprendre, survient souvent. Son explication est que les années se balancent et s’équilibrent. [Tout cela débute vers la minute 20 du vidéo de la séance].

Cette explication a piqué ma curiosité pour deux raisons. D’abord, les comptables sont habitués à attribuer les dépenses aux bonnes années – une anomalie de démarcation comptable semble improbable. Et si c’était le cas, on devrait trouver la même anomalie de fin d’année pour la rémunération des élus, voire l’ensemble des employés. La fin de la période de paie tombe un jeudi (ou mardi, etc.) pour tout le monde. Si c’était le cas, l’erreur serait de plusieurs, plusieurs milliers de dollars et les vérificateurs ne pourraient pas laisser passer.

Quelques faits

Si bon an, mal an, tout s’équilibre, ça laisserait des traces dans rapports financiers précédents. Mais on n’y trouve rien en 2020, ni en 2019, ni en 2018. Pour chacune de ces années, l’allocation de dépenses indiquée dans le rapport financier est exactement la moitié de la rémunération. Zéro fluctuation nécessitant un rééquilibrage l’année suivante.

À titre d’exemple, une capture d’écran de la page pertinente du Rapport financier 2019 de St-Augustin-de-Desmaures indique que l’allocation de dépenses est égale à la moitié de la rémunération.

Pas de dépassement ailleurs

Pour voir comment ça se passe ailleurs, j’ai jeté un coup d’oeil sur les rapports financiers 2020 de quelques autres municipalités de taille similaire à St-Augustin (Beaconsfield, Deux-Montagnes, Kirkland, Mont-St-Hilaire, Rivière-du-Loup, St-Colomban, Ste-Marthe-sur-le-Lac). Je n’ai trouvé aucun autre cas où l’allocation de dépenses est plus que la moitié de la rémunération.

À titre d’exemple, le rapport financier 2020 de Mont-St-Hilaire indique aussi que l’allocation de dépenses est au max. égale à la moitié de la rémunération.

Il s’agit d’une petite affaire, un détail, presque. S’il y a eu erreur, la faute avouée serait vite pardonnée. Mais en tenant à son explication, le maire Juneau soulève plus de questions, des questions d’un autre ordre. La transparence est une condition essentielle pour le maintien d’une relation de confiance entre les élus et les citoyens, comme on la déjà dit ailleurs.

Voir aussi mon article La transparence et la municipalité – une question de confiance.

1 comment

  1. Bravo monsieur Meisels pour votre rigueur. Mon père travaillait à l’Agence canadienne des douanes et accises, et il est arrivé que la caisse du bureau des douanes ne « balançait » pas d’un sou. Ce sou noir a fait l’objet de recherches minutieuses, suffisamment pour qu’un superviseur du bureau chef se déplace pour venir y vérifier la comptabilité. C’est un exemple extrême, me direz-vous. Mais en matière d’intégrité et de transparence, puisqu’il s’agit de fonds publics, les principes de base doivent être respectés. Pour ma part, je ne fais pas confiance à ce maire autoritaire, antipathique et suffisant. En 2020, en pleine pandémie, il a fait installer du « yellow tape » à l’entrée des sentiers pédestres de la ville pour empêcher les citoyennes et les citoyens de s’y promener, sous prétexte des dangers de contagion de la Covid. Au même moment, en conférence de presse, la Santé publique et le gouvernement encourageaient la population à aller prendre des marches à l’extérieur. Ça en dit beaucoup sur le jugement de ce personnage.

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